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En quatre mouvements, froids et cocasses, « La Partition » raconte le délabrement d’une famille

L’AVIS DU « MONDE » – À VOIR
Lissy, la soixantaine (Corinna Harfouch), est assise par terre dans ses excréments, téléphone portable à la main. Il y en a partout, sur ses mains, sur la moquette dans l’entrée de l’appartement. Son mari (Hans-Uwe Bauer), Gert, a encore fait des siennes. Il s’est échappé de la maison à poil et la voisine finit par ramener le vieil homme, hagard. Pour la énième fois, Lissy a laissé un message à son fils, Tom (Lars Eidinger), chef d’orchestre à Berlin, qui n’est jamais là. Son métier absorbant donne le titre du drame de Matthias Glasner, La Partition (Sterben, titre original).
Le couple de vieux est sonné, et quand Tom rappelle enfin sa mère, Lissy n’a pas eu le temps de nettoyer son téléphone qui sent l’odeur de la merde, disons les choses. Sa gestuelle introduit une atmosphère cocasse : elle le tient à distance de l’oreille, l’air dégoûté, tout en résumant la situation : Tom pourrait-il passer les voir ? Le fils promet de trouver un moment. En attendant, il faut faire les courses. Lissy est au volant et ne voit rien. Elle doit compter sur Sébastien pour l’avertir des dangers. Une vingtaine de minutes sont passées et l’on s’autorise à rire. Pendant trois heures, en quatre mouvements, cette Partition sèche et explosive va démêler les fils d’existences meurtries, en compagnie d’acteurs excellents.
Le réalisateur allemand, plutôt rare – son dernier long métrage remonte à plus de dix ans, La Grâce (2013) – ne cherche pas à nous tirer les larmes, mais plutôt à analyser sa propre torpeur quand il pense à sa famille. Il a d’ailleurs écrit le scénario après la mort de ses parents, et a fait le choix du film fleuve pour expérimenter une narration proche de la série. Mais le western n’est pas loin, avec des mots qui font plus de mal que les balles : c’est ce qui arrive quand un fils n’éprouve plus rien pour sa mère, et vice versa.
Après avoir fait connaissance avec les parents, qui vivent dans une petite ville, le spectateur va « passer du temps » avec Tom à Berlin. Le quadragénaire est en pleine répétition avec ses jeunes musiciens, et il a sur le dos le compositeur de la pièce qui n’est jamais content. Une caricature d’artiste maudit. Rien ne lui va, la colère monte, il menace sans cesse de reporter la première, ce qui ferait désordre pour les mécènes qui financent la création.
Tom a une vie, quand même, il a une relation avec l’administratrice de l’orchestre. Enfin, son ancienne compagne, devenue une amie, ne va pas tarder à accoucher. Tom a bien une sœur, Ellen (Lilith Stangenberg), larguée et explosive, mais tous deux se sont éloignés l’un de l’autre. Un chapitre foutraque sera consacré à la jeune femme, au fil de ses virées dans les bars avec son amant, dentiste, pour finir en beauté dans le cabinet dentaire, lors d’une scène proche du Grand-Guignol.
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